"Tueur". Si Dane était habitué aux noms d'oiseaux et aux surnoms péjoratifs venant de ses chers camarades de classe, c'était la première fois qu'on l'affublait de titre d'assassin. Cela fait depuis Mai 2019 qu'un silence écrasant le suit lorsqu'il traverse les couloirs d'Hope Highschool. Que ce soit en pleines heures de trafique ou quelques élèves croisés brièvement entre deux cours, les réactions sont toujours les mêmes. Les bouches se ferment, les discussions retombent et tout les regards se posent sur lui. Malveillants, dégoûtés, effrayés ou plus rarement compatissants, Dane ne laisse plus indifférent.  Parfois, quelques jocks téméraires l'épinglent encore au mur et l'humilient devant tout le monde. Parfois c'est de la nourriture qu'on lui jette dessus, d'autres fois les plaisanteries sont de plus mauvais goût et les élèves optent pour du faux sang. "Tu étais au courant hein? T'as bandé quand tu nous as vu tous crever? Espèce de taré. Tu devrais finir en taule. Assassin. C'est de ta faute".  Lorsqu'ils se murmurent à l'oreille, il entend encore et toujours ce même foutu mot. Tueur. Tueur. Tueur. Putain de tueur.  Mais ils ne comprennent pas que ce n'est pas lui le tueur. Déjà, ce n'est pas lui qui a arpenté ces couloirs, armé jusqu'aux dents, pour descendre de sang froid tout ce qui bougeait. Ce n'est pas lui qui a pressé sur la détente, ni lui qui a explosé des cervelle à coup de fusil à pompe.  Mais les autres n'en n'ont cure: c'est bien connu, il faut toujours un bouc émissaire à chaque fois qu'une tragédie se produit, histoire d'alléger les consciences. Maintenant que l'intéressé n'est plus là pour essuyer la colère de la ville  et répondre aux nombreuses questions, ce sont les épaules du grand blond qui portent injustement ce fardeau. Son crime? Avoir été le meilleur ami du gamin dégénéré qui a décidé de flinguer le lycée.  Même si son innocence a été prouvée à de maintes reprises par la Justice malgré les accusations répétées des parents d'élèves et de quelques agents de police, le juge a définitivement fermé le dossier Rebfield après avoir affirmé que, non, Dane Rebfield n'était au courant de rien et n'a participé d'aucune manière qu'il soit à ce massacre. Pourtant, le mot "Tueur" continue de lui coller à la peau; à tel point qu'il finit par penser que, quelque part, peut être en est-il un?  Cinq mois après la tuerie de Hope Highschool, Dane a cessé de se battre. Dane a cessé de répondre. Dane a cessé de se justifier. Les évènements qui ont suivi le shooting l'ont vidé de toute son énergie et de tout espoir. A présent ostracisés par ses camarades, même les plus mal aimés d'entre eux, il essuie les crachats et les insultes avec une placidité effrayante. Traîné dans la boue, faussement accusé, il éteint rageusement la télévision lorsque les programmes se mettent à dépeindre son meilleur ami comme un monstre violent et une pourriture mentalement déglinguée. Mais à quoi pensent-ils? Parce qu'il a la vie sauve, il n'a rien perdu? Pourtant il n'a plus rien. Plus rien que la solitude et une culpabilité qui le ronge jour après jour. Tueur. Tueur. C'est peut être comme cela qu'ils le surnomment,  mais pour Dane ce sont eux les tueurs. Les élèves, les professeurs, le système scolaire, Hopefield Highschool elle-même. Ce sont eux qui ont provoqué leur malheur et, peut être qu'au fond, une partie de Dane pense que Felix a eu raison de faire tout ça.